17 mars 2022.- L’événement parallèle qui s’est tenu aujourd’hui dans le cadre de la 66e session de la Commission de la condition de la femme (CSW66), intitulé « Contributions à la prochaine Recommandation générale de la CEDAW sur les femmes et les filles autochtones », a été coparrainé par l’Institut national des femmes du gouvernement du Mexique, le Forum international des femmes autochtones (FIMI) et l’ONU Femmes.
Cet événement avait pour vocation de dynamiser le processus de consultation relatif à l’adoption de la Recommandation générale de la CEDAW. Il visait également à promouvoir une approche transversale dans les politiques et les programmes consacrés au changement climatique, à l’environnement et à la réduction des risques de catastrophe, en vue d’accélérer la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 avec une perspective de genre.
L’événement a réuni des femmes autochtones de différentes régions du monde qui, à partir de leur propre expérience et de leur cosmovision, ont réfléchi à la manière de faire de cette Recommandation générale un instrument efficace pour promouvoir et protéger les droits individuels et collectifs des femmes autochtones, tout en contribuant à leur autonomisation dans leurs communautés et dans la société en général. Les conclusions de cette réflexion sont appelées à étayer la rédaction de la Recommandation générale et à donner le ton du prochain processus de consultation en tenant compte des aspirations communes.
L’événement a débuté par une cérémonie spirituelle dirigée par Jandi Craig, autochtone Montaña Blanca Apache et Xicana, défenseuse des droits humains et boursière autochtone du HCDH, à laquelle ont participé Nadine Gasman, présidente de l’Institut national des femmes (INMUJERES) du Mexique ; Miriam Huacani, vice-ministre de l’Égalité des chances, ministère de la Justice et de la Transparence institutionnelle de l’État plurinational de Bolivie ; Maria Noel Vaeza, directrice régionale de l’ONU Femmes pour les Amériques et les Caraïbes ; Belén Sanz, représentante de l’ONU Femmes au Mexique ; Tarcila Rivera Zea, présidente du FIMI ; Gladys Acosta, présidente du Comité CEDAW ; Sara Mux, du Collectif Ixpop au Guatemala ; Faith Nataya Saningo, de l’Olorukoti Resource and Knowledge Centre au Kenya ; Eleanor Dictaan-Bang-oa, de l’Asian Indigenous Women’s Network (AIWN) aux Philippines et Teresa Zapeta, directrice générale du FIMI. Cette rencontre a été animée par Elvira Pablo Antonio, responsable de la politique et de l’engagement de Girls Not Brides pour l’Amérique latine et les Caraïbes et membre de l’ancien groupe de travail Jeunesse Génération Égalité.
La présidente de l’Institut national des femmes du gouvernement mexicain, Nadine Gasman, a souligné que le Mexique considère que « l’adoption de la Recommandation générale 39 sur les droits des femmes et des filles autochtones est indispensable, car elle fournit des orientations aux États quant aux mesures législatives, politiques, sociales et culturelles qu’ils doivent prendre pour garantir la protection de ces droits ». Comme elle le souligne par ailleurs, « au Mexique, nous avons suivi de près le processus de rédaction de cette Recommandation générale, en cherchant à donner la priorité aux opinions des femmes et des filles autochtones en tant que protagonistes et leaders aussi bien au sein de leurs communautés qu’en dehors de celles-ci ».
Pour sa part, la représentante de l’ONU Femmes au Mexique, Belén Sanz, a réaffirmé que « l’ONU Femmes, aux côtés du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, s’efforcera de soutenir les consultations régionales, en particulier celle qui aura lieu au Mexique, où nous sommes sûres de recueillir un large éventail de points de vue qui viendront éclairer cette Recommandation générale ». Elle a en outre insisté sur « l’importance de la dimension individuelle et collective des droits des femmes autochtones, des droits liés aux ressources naturelles, à l’eau, au territoire et à la terre, et bien sûr, de la corrélation entre tous les droits que cette nouvelle Recommandation générale est appelée à reconnaître ».
Tarcila Rivera Zea, Quechua du Pérou, a rappelé que « nous avons entamé le processus devant aboutir à la Recommandation générale en 2004 lors de l’Instance permanente sur les questions autochtones, en tenant compte du fait que les femmes et les filles autochtones présentent certaines spécificités du fait de leur origine ethnique et des multiples formes de violence dont elles font l’objet ». Elle a souligné que « nous espérons que cette Recommandation générale sera éthiquement, moralement et politiquement contraignante pour les États membres, et que les femmes handicapées soient dûment prises en compte dans cette Recommandation, à l’instar de toutes nos diversités ».
Sara Mux, Maya Kaqchikel du Guatemala, a souligné que « cette Recommandation sera un instrument clé, car elle contribuera à une interprétation des droits humains reposant sur une optique interculturelle et décolonisatrice ». Elle a mis en avant le fait que « la Recommandation contraindra les États à rendre des comptes et nous permettra de changer la donne, en remédiant à l’invisibilité et aux inégalités auxquelles nous sommes condamnées en tant que femmes autochtones ».
Faith Nataya Saningo, Maasai du Kenya, a fait valoir que cette Recommandation générale est synonyme de justice pour plusieurs communautés, dans la mesure où « il est nécessaire de reconnaître les peuples autochtones et de mettre en œuvre des mesures concrètes pour garantir nos droits ». Dans le même ordre d’idées, Eleanor Dictaan-Bang-oa, Kankanaey Igorot des Philippines, a réaffirmé le besoin pressant d’éliminer les causes d’exploitation et de discrimination à l’égard des femmes autochtones, tel qu’évoqué dans un appel qu’elle a remis au Comité CEDAW, en espérant que ces observations soient prises en compte de manière systématique.
Teresa Zapeta Mendoza, Maya K’iche du Guatemala, a reconnu l’intérêt des précieuses alliances qui ont été conclues pour parvenir à une recommandation historique et stratégique, en mesure d’apporter réparation aux méfaits du colonialisme et des inégalités dans les sept régions du monde. Elle a annoncé que, grâce aux efforts collectifs déployés, un site web sera lancé le 25 mars pour favoriser les échanges et approfondir les informations. Dans ses mots de conclusion, elle a déploré l’absence de prédisposition globale des États au dialogue. En effet, les États sont encore relativement distants des peuples autochtones. C’est pourquoi il est important que les femmes autochtones restent unies, car l’union fait la force.
Gabriel Muyuy Jacanamejoy, secrétaire technique du Fonds pour le développement des peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes (FILAC), a pour sa part déclaré que la Recommandation générale constituait un jalon historique, non seulement pour les femmes et les filles autochtones, mais aussi pour les droits fondamentaux des peuples autochtones du monde entier : « le FILAC continuera à travailler pour garantir le respect des droits des femmes et des filles de nos peuples autochtones ».
Miriam Huacani, vice-ministre de l’Égalité des chances, du ministère de la Justice et de la Transparence institutionnelle de l’État plurinational de Bolivie, a souligné qu’il était important de reconnaître les défis en suspens et d’aller de l’avant avec la société civile et les différents organes gouvernementaux. Elle a également admis que les gouvernements doivent prendre les devants dans la lutte contre la violence.
Dans son allocution de clôture, la directrice régionale de l’ONU Femmes pour les Amériques et les Caraïbes, María Noel Vaeza, a déclaré que cette « Recommandation générale doit inciter les États à inclure, dans leur législation, leurs budgets et leurs programmes nationaux, des mesures visant à garantir le plein exercice des droits des femmes autochtones, en tenant compte de l’intersectionnalité de ces droits et en reconnaissant les contributions de ces femmes au développement des peuples et à la conservation de notre grande maison commune, à savoir la planète Terre ».
Les préoccupations relatives aux droits fondamentaux des femmes autochtones ont pris de l’ampleur dans les débats internationaux sur l’environnement, la culture et le développement. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2007, établit une série de normes internationales et fournit une base fondamentale pour bâtir des sociétés capables de garantir la pleine égalité et les droits des peuples autochtones.
Les droits des femmes autochtones sont protégés par la Déclaration universelle des droits humains, ainsi que par les pactes et traités internationaux ultérieurs relatifs aux droits humains, dans lesquels le sexe et la race figurent parmi les aspects à prendre en compte dans la protection du droit à l’égalité, en tant que motifs de discrimination. Pourtant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) est à ce jour le seul instrument international juridiquement contraignant qui protège spécifiquement les droits des femmes, y compris ceux des femmes autochtones. La prochaine Recommandation générale de la CEDAW offre une occasion unique d’intégrer dans cet instrument les priorités collectives, la vision du monde, les expériences et les leçons partagées par les femmes autochtones en vue de susciter un changement transformateur et de garantir la préservation des différentes cultures qui sont l’incarnation de leur identité, de leur survie et de leur développement.
La retransmission de cet événement est disponible à travers ce lien