De nos territoires jusqu’à l’ONU : Incidence des Femmes Autochtones à la CSW 69
Introduction
Depuis la Déclaration de Beijing en 1995, les Femmes Autochtones défendent nos droits avec fermeté et engagement. Nous affrontons la colonisation, le racisme et le patriarcat pour que nos voix soient entendues et respectées. Lors de la Commission de la condition juridique et sociale de la femme (CSW69), nous avons réaffirmé notre lutte pour l'égalité, la justice sociale et la durabilité environnementale. Nos leaderships ont été essentiels dans l'éradication des violences, la protection de nos territoires et la préservation de nos cultures. Cependant, nous restons exclues des espaces de prise de décision, ce qui limite notre influence sur les politiques publiques. C'est pourquoi nous avons participé à la CSW69 avec des actions concrètes.
Espaces d'incidence : Notre parole en action
Lors de la CSW69, nous avons élaboré une Déclaration Politique pour présenter nos principales revendications aux États membres. Cette déclaration propose des politiques publiques qui considèrent :
- Visibilité et savoirs : Pour que nos systèmes de connaissances soient reconnus et que les données statistiques reflètent nos réalités. La visibilité est une forme de justice.
- Libres de violences : Nous exigeons des politiques efficaces pour éradiquer toute forme de violence contre les Femmes Autochtones et garantir notre sécurité et notre dignité.
- Protection des territoires : Nous demandons le respect de nos terres et espaces sacrés, ainsi que la fin de l'extractivisme et de la militarisation qui menacent nos vies.
- Changement climatique et biodiversité : Nous réclamons la reconnaissance de notre rôle clé dans la protection de l'environnement.
- Autonomie et leadership : Nous exigeons un financement direct et une participation à la prise de décision pour transformer nos réalités.
Ces revendications ont été renforcées dans les différents espaces de rencontre, de dialogue et d'articulation politique que nous avons construits lors de la CSW69. Voici quelques-uns des événements les plus significatifs qui ont marqué notre participation collective :
- Rencontre de coordination des Femmes Autochtones
Cet espace a été organisé par FIMI pour nous écouter mutuellement et nous articuler autour de la défense de nos Droits Individuels et Collectifs. Nous avons réaffirmé l'urgence de garantir notre participation aux décisions qui affectent nos vies. Soixante Femmes Autochtones d'Afrique, d'Amérique du Nord, de l'Arctique, d'Asie, du Pacifique, d'Amérique latine et des Caraïbes se sont réunies.
Défis dans la mise en oeuvre des droits
Nous avons souligné la nécessité de mettre en oeuvre la Recommandation Générale 39 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qui reconnaît les droits des Femmes et Filles Autochtones.
- Pauvreté et identité : La pauvreté n'est pas notre condition, mais le résultat de la spoliation territoriale et de la violence structurelle. Pour l'éradiquer, il faut reconnaître nos savoirs et pratiques.
- Accès au financement : Nous demandons un financement direct sans intermédiaires, avec la liberté de mettre en oeuvre des projets culturellement pertinents.
- Prise de décision : Notre participation pleine et effective doit être garantie du niveau local au niveau mondial.
Dans le cadre de cette rencontre, nous avons tenu un panel de discussion intitulé "30 ans depuis Beijing : Promouvoir les droits des Femmes Autochtones dans le monde", modéré par Rosalee González, avec la participation de dirigeantes de diverses régions. Nous y avons partagé des stratégies, des apprentissages et des défis selon chaque territoire.
Depuis l'Asie, Pratima Gurung (Népal) a plaidé pour l'inclusion des Femmes Autochtones en situation de handicap dans les mécanismes mondiaux, affirmant : "Nous changeons le récit : nous ne faisons pas que dénoncer les crises, nous apportons aussi des solutions." De la même région, Eleanor Dictaan-Bang-oa (Philippines) a souligné comment le travail local a permis d'influencer des espaces internationaux.
Depuis l'Afrique, Mariam Bouraïma (Bénin) a parlé de la force de l'organisation communautaire chez les femmes peules : "Aujourd'hui, les femmes sont formées, conscientes et sans peur."
Depuis le Pacifique, Carolyne Kitione (Fidji) a expliqué comment, malgré les barrières culturelles et linguistiques, elles ont réussi à faire entendre leurs voix dans des forums multilatéraux : "Nous construisons des ponts malgré les murs politiques."
Depuis la Mésoamérique, Sonia Gutiérrez (Guatemala), seule Femme Autochtone dans un Congrès de 160 membres, a déclaré : "Nous laissons une trace, ouvrons des chemins et créons des structures institutionnelles pour celles qui viendront après."
Ce panel a été un espace d'échange politique et spirituel profond, réaffirmant la diversité de nos luttes et la force collective qui nous pousse à transformer les systèmes qui nous ont historiquement exclues.
- Voix des Femmes Autochtones sur la violence et la justice climatique
En lien avec les réflexions sur les droits et les territoires, cet événement parallèle — organisé par AIPP, IWGIA et PEREMPUAN AMAN — a mis en lumière l'intersection entre la crise climatique et la violence que subissent les Femmes Autochtones. Les participantes ont souligné la nécessité d'agir d'urgence pour protéger les défenseuses et transformer les modèles extractivistes qui menacent nos vies.
- Lien entre violence et crise climatique : La dégradation environnementale, l'extractivisme et la militarisation des territoires autochtones engendrent des violences basées sur le genre, des déplacements forcés et la perte de droits.
- Femmes Autochtones en première ligne : Nous sommes les principales défenseuses de nos territoires, mais nous faisons face à la criminalisation, la répression et la violence d'État.
- Impact des projets "verts" : De nombreuses initiatives environnementales excluent les communautés autochtones et reproduisent des modèles extractivistes sans consultation ni consentement.
- Absence de politiques efficaces : Malgré les engagements internationaux, les lois environnementales et de genre ne protègent pas efficacement les Femmes Autochtones.
- Revendications : Nous exigeons la reconnaissance des savoirs autochtones dans la lutte climatique, une protection effective pour les défenseuses, un financement direct et le respect du consentement libre, préalable et éclairé.
- Femmes et jeunesses autochtones à 30 ans de Beijing — ECMIA
Depuis une perspective continentale, l'Enlace Continental de Mujeres Indígenas de las Américas (ECMIA), avec CHIRAPAQ, CONAMI et le gouvernement du Mexique, nous a réunies pour faire le point sur les avancées depuis la Déclaration de Beijing de 1995. Cet espace a été essentiel pour réfléchir collectivement aux défis persistants et aux stratégies nécessaires pour renforcer notre participation politique à l'échelle mondiale.
- Reconnaissance et représentation politique : Malgré les progrès, les Femmes Autochtones restent invisibilisées dans les espaces de pouvoir. Il a été urgent de garantir leur participation aux politiques publiques.
- Violences structurelles et racisme : La persistance des discriminations, des violences de genre et institutionnelles a été dénoncée.
- Éducation et langue : L'alerte a été lancée sur la perte des langues autochtones et le besoin de renforcer l'éducation interculturelle.
- Justice climatique et défense des territoires : Notre rôle dans la protection de l'environnement et le respect du consentement libre, préalable et éclairé ont été réaffirmés.
- Appel à l'action : Une plus grande participation, des politiques de protection des droits collectifs et un financement direct ont été exigés.
Les jeunesses autochtones ont également pris la parole, réclamant leur droit de décider de leur présent et de leur avenir, ainsi que des espaces sûrs pour exercer leur leadership politique.
- Soin collectif et résilience féministe en temps de polycrise — LFS
Dans un contexte de crises multiples, nous avons aussi réfléchi à la manière de prendre soin les unes des autres. Le consortium Liderando desde el Sur (LFS) a organisé une rencontre intime avec des organisations partenaires intitulée "Proteger l'activisme féministe en temps de polycrise". Ce fut un moment puissant pour partager des expériences de bien-être, de sécurité et de résilience, en reconnaissant que le soin collectif est un outil politique et une stratégie de durabilité.
Depuis 2021, LFS a renforcé cette approche avec le Fenomenal Fund, en promouvant des pratiques transformatrices issues des mouvements du Sud global. Lors de cette CSW69, nous avons tissé des réseaux de solidarité pour faire face ensemble aux effets du recul démocratique et aux attaques contre les droits.
- Femmes Autochtones brisant les paradigmes : 25 ans d'incidence mondiale de FIMI
Pour clôturer avec force et espoir, nous avons célébré un événement commémoratif à l'occasion des 25 ans de FIMI. Ce fut un espace pour regarder en arrière avec fierté et projeter l'avenir avec détermination. Nous avons rappelé comment FIMI a été un pilier dans la construction d'agendas mondiaux dirigés par des Femmes Autochtones.
- Réalisations : Leaderships renforcés, mécanismes d'articulation mondiale et visibilité internationale.
- Défis : Des barrières structurelles, la violence de genre et les menaces extractivistes persistent dans nos territoires.
- Vision future : L'engagement a été renouvelé pour accroître la participation aux espaces de prise de décision, renforcer nos institutions propres et positionner les savoirs autochtones comme clés dans la lutte climatique.
Conclusion : Nous continuons à avancer avec la force de nos racines
La CSW69 constitue une étape importante dans notre lutte collective pour la justice et la reconnaissance de nos droits. Depuis nos territoires jusqu'aux espaces de décision mondiaux, nous continuerons à exiger des politiques inclusives, à protéger nos terres et à renforcer notre autonomie. Avec la force collective des Femmes Autochtones, nous tissons ensemble pour nos droits.