En 2013, plus de 200 femmes leaders autochtones du monde entier se sont réunies à Lima (Pérou) lors de la Conférence mondiale des Femmes autochtones. À cette occasion, des organisations des sept régions socioculturelles du globe se sont rassemblées et ont convenu d’un document de prise de position politique et d’un plan d’action conjoints en vue d’intervenir sur la scène politique avec les mêmes critères de base face à des problématiques communes, ainsi que pour apprendre les unes des autres.
Les Femmes autochtones défendent activement les droits humains individuels et collectifs de leurs peuples. Elles sont souvent confrontées à des préjudices sociaux et environnementaux, découlant d’un déni de leurs droits fondamentaux ou d’atteintes à ces droits, ainsi que du manque de responsabilité et de mise en œuvre de ces droits de la part des États. C’est pourquoi, en tant que Femmes autochtones, à travers le document de positionnement politique et plan d’action adopté à l’issue de la Conférence mondiale de Lima, nous avons appelé les États à mettre en œuvre les droits établis par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones et par d’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains, ainsi qu’à respecter nos droits coutumiers autochtones.
Telle a été la revendication formulée par Victoria Tauli Corpuz, leader du peuple Kankanaey Igorot des Philippines, qui deviendrait une année plus tard Rapporteuse spéciale des Nations Unies. Dans l’exercice de cette fonction, qu’elle a conservée jusqu’en 2020, elle n’a cessé de défendre les droits des Peuples autochtones. Elle a notamment déclaré : « Notre message à l’intention des gouvernements, de l’ONU et des grandes entreprises est qu’ils doivent travailler avec nous et non contre nous, car nous avons des solutions aux crises que le monde d’aujourd’hui traverse sur le plan environnemental, social, économique et culturel ».
Raffaella Bulyaar, responsable du programme d’autonomisation des femmes au Kivulini Trust, une organisation de peuples pastoraux du Kenya, a affirmé que des instruments tels que les déclarations de l’ONU amélioraient les conditions de vie des femmes dans le nord du Kenya, bien que celles-ci soient toujours confrontées à d’énormes défis.
Lors de la Conférence de 2013, les Femmes autochtones ont échangé leurs expériences sur les « mégaprojets » ou projets des industries extractives sur les terres et territoires autochtones.
Au Rwanda et au Cameroun, l’exploitation forestière et agricole contraint les peuples des forêts à quitter leurs territoires, tandis que les projets miniers en cours dans le Pacifique, l’Arctique et les Amériques continuent d’affecter de nombreuses communautés autochtones. Les barrages hydroélectriques, vendus comme des « projets de développement » provoquent le déplacement de communautés autochtones entières sans leur demander ni obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé. Aux États-Unis, la centrale nucléaire construite dans la zone où vivent les membres de la nation Hopi a connu de graves incidents et leurs maisons sont contaminées par les radiations.
Un autre thème important à l’ordre du jour en 2013 était la souveraineté alimentaire, dans l’objectif de nous libérer de la chaîne de production agroalimentaire qui exploite la Terre Mère, imposée par l’économie capitaliste néolibérale qui marchandise notre mode de vie. Pour Andrea Carmen, autochtone Yaqui et directrice exécutive du Conseil international des traités indiens, la souveraineté alimentaire est un concept clé pour les peuples autochtones, afin de garantir leur droit de contrôler l’utilisation de leurs terres et territoires.
Alors que les gouvernements et les entreprises du monde entier s’approprient les terres des peuples autochtones sans leur consentement, introduisent des semences génétiquement modifiées pour remplacer les semences traditionnelles hautement adaptées à leur environnement et imposent une dépendance à une économie alimentaire mondialisée, Andrea Carmen a souligné que « les Peuples autochtones sont particulièrement bien placés pour proposer des solutions. Détentrices de connaissances traditionnelles ancestrales et d’un lien profond avec leurs terres, les communautés autochtones, et en particulier les femmes autochtones, mettent au point des projets et tissent des réseaux pour revitaliser la capacité alimentaire locale et renforcer la souveraineté alimentaire ».
À cet égard, Clemencia Herrera, de l’Amazonie colombienne, a déclaré que « la souveraineté alimentaire consiste à connaître les espèces qui existent sur nos terres, à savoir quel type de semences planter dans chaque territoire pour garantir une alimentation à base de produits autochtones et sans OGM et éviter la contamination de la terre et de l’eau par les pesticides ». Pour y parvenir, Hilaria Cruz, une Guaraní du Paraguay, a proposé de créer des écoles d’agroécologie pour former les jeunes autochtones afin de maintenir la souveraineté alimentaire.
Parmi les autres thèmes importants abordés lors de cette Conférence figuraient le changement climatique, les violences subies par les Femmes autochtones, la préservation de la culture et de l’identité autochtones, les défis auxquels sont confrontés les jeunes autochtones et la communication interculturelle. Le reportage spécial de Cultural Survival contient des informations complémentaires à ce sujet.
Les hôtes de la Conférence mondiale des Femmes autochtones étaient : les Peuples autochtones, le gouvernement péruvien, CHIRAPAQ, Centro de Culturas Indígenas del Perú, le Forum international des Femmes autochtones, Enlace Continental de Mujeres Indígenas de las Américas, Asia Indigenous Peoples’ Pact, African Indigenous Women’s Organization, Alianza de Mujeres Indígenas de Centroamérica y México, Asian Indigenous Women’s Network, Indigenous Women’s Human Rights Council of the Pacific Region, et Indigenous Information Network. Tous ensemble, ils ont établi une feuille de route à suivre pour exercer un plaidoyer en faveur des droits individuels et collectifs, qui a encadré leurs activités au niveau local, national et international au cours des années suivantes.
La Deuxième Conférence mondiale des Femmes autochtones se tiendra en ligne les 12, 19 et 26 août, pour s’achever le 2 septembre.
Plus d’information sur la conférence ici ?? https://worldconferenceiw.org/fr/